Les troubles alimentaires chez les ados

Obésité, anorexie, orthorexie… à l’adolescence, période où l’apparence est au centre des préoccupations des enfants, certains troubles alimentaires peuvent se développer. Mais quand s’inquiéter ? Le professeur Patrick Tounian, nutritionniste au service pédiatrique de l’hôpital Armand Trousseau, vous livre ses conseils…

En pensant adolescence, on pense troubles alimentaires. Quels sont ceux que vous rencontrez le plus dans votre cabinet ?

Pendant l’adolescence, les besoins nutritionnels des garçons, comme des filles, augmentent. C’est absolument normal. Mais comme nous vivons dans une société du tout contrôle, les ados grandissent avec l’idée que manger (selon leur faim) est mauvais. De ce fait, ils changent leurs habitudes alimentaires et développent pour la plupart des troubles orthorexiques. Cela signifie concrètement : contrôler fortement son alimentation. Cela commence même chez les pré-adolescents, chez les enfants d’une dizaine d’années. Pire encore, on voit des parents qui mettent des nourrissons, ou des jeunes enfants de 2 ans au régime de peur qu’ils deviennent obèses. La contagion va loin, et commence avant l’adolescence…

Pensez-vous, à part dans les cas d’anorexie mentale, que les parents sont responsables des comportements orthorexiques de leurs ados ?

Chez les enfants, oui ; chez les ados, non. Je crois que c’est à force de lire, d’entendre parler d’obésité, qui est un marqueur social, que les jeunes ont peur. Pourtant, la plupart des adolescents ne deviendront jamais obèses. Mais comme on leur fait croire le contraire, ils font très attention et se mettent en restriction majeure.

Le fait d’avoir un comportement alimentaire de contrôle extrême présente-t-il un risque sanitaire pour l’adolescent, notamment sur le plan hormonal ?

Dans les cas extrêmes d’une restriction d’aliments, le risque majeur est celui des carences. On voit des adolescents qui se mettent à faire des régimes très importants et qui ont donc des carences. D’autant plus qu’à cet âge, les besoins sont les plus élevés de la vie. Les besoins en calcium s’élève à 1200 mg/jour pour 1 g à l’âge adulte. En fer aussi, notamment chez les jeunes filles réglées.

Sans oublier une extrême fatigue ?

Oui. On voit de plus en plus de jeunes gens suivre des régimes végétariens. C’est à la fois un régime pour maigrir – la viande ferait grossir – et un mélange d’idéologie religieuses ou la volonté de ne pas faire de mal aux animaux. Le souci, c’est qu’en France, quand on devient végétarien, il n’y a quasiment aucun aliment pour combler les apports de la viande. Chez les Indiens notamment ou dans les religions où l’on a de telles habitudes alimentaires, on a appris finement à compenser, ce qui n’est pas le cas des adolescents qui se mettent du coup en danger.

Et pour l’anorexie ?

L’anorexie est quelque chose à part. Cela traduit un mal-être profond. Ce n’est pas directement lié à l’orthorexie. On pense qu’il y aurait une prédisposition génétique à l’anorexie.

Quels sont les signes qui doivent alerter les parents ? Quand consulter ?

Les parents sont souvent très inquiets. L’anorexie mentale est effectivement une maladie grave. Dans 90 % des cas, ce sont des filles qui se trouvent grosses – c’est peut-être le meilleur marqueur – alors qu’elles ne le sont pas du tout. Les adolescentes concernées sont perfectionnistes, qui travaillent souvent très bien à l’école et qui vont se mettre au régime alors qu’elles sont déjà maigres. Lorsqu’elles arrivent en consultation, et qu’on leur demande si elles mangent bien, elles répondent : « Oh là là, qu’est-ce que je mange ! » Alors que les parents disent : « elle mange un grain de riz ». Les jeunes filles en question n’acceptent pas cette réalité. Je conseille aux parents de se tourner vers des structures spécialisées : la Maison de Solène sur Paris notamment…

On parle pourtant beaucoup d’obésité dans les médias. Que penser de ce phénomène ?

Il faut considérer l’obésité comme une maladie et non pas comme la conséquence d’un laxisme, notamment des parents. Et tous les messages que l’on entend autour de l’obésité : « Faîtes attention. Ne pas grignoter, sinon vous allez devenir obèse », même si c’est uniquement une conviction personnelle, je les suspecte très fortement d’être à l’origine de la multiplication des troubles du comportement alimentaire. De la suggestion, mais pas de faits.

Pourtant la population française grossit…

La prévalence de l’obésité de 0 à 18 ans, donc de l’enfant et de l’adolescent, stagne depuis 10 ans. Cela concerne tous les pays industrialisés : Angleterre, Etats-Unis, etc… C’est l’évolution spontanée. Rien de nouveau.

 

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