Les ados et le cinéma

Cinéma : l’influence du teen movie sur les adolescents

Depuis James Dean et sa superbe fureur, le cinéma pour adolescents est devenu le nez fin des industries. Celles-ci ont bien compris le besoin d’une jeunesse d’avoir ses propres films. Dès les années 50, les adolescents voient leurs interrogations tournées en scenarii et projetées dans les salles obscures. Et le business est florissant. Selon une étude réalisée par Médiamétrie en 2011, les premiers spectateurs en nombre sont les jeunes de 15 à 19 ans. Bien loin des clichés du visionnage en solitaire devant un écran d’ordinateur et de l’idée que l’on peut avoir des téléchargements sur Internet, les ados vont au cinéma. Ils plébiscitent tous les types de films : horreur (Scream), en passant par la 3D et les sagas (Harry Potter, Twilight…), jusqu’aux romances ou aux films d’auteur (L’Ordre et la morale de M. Kassovitz a ainsi remporté le prix TPS du jeune public).

 Se voir ou rire de se voir ?

Le genre exclusif fait pour les ados, avec des ados, à propos des ados est le teen movie. Le tout premier, American Graffiti, pour les puristes, réalisé par George Lucas en 1973, pose déjà les jalons d’un genre à part. Ce genre cinématographique répond à des codes particuliers et a un ton spécifique. Exclusivement américain, le teen movie est surfait dans sa représentation de l’adolescence. Il utilise une imagerie, des lieux et des codes emblématiques (le collège ou high school, la cafétéria ou le fastfood, le stade ou le gymnase, la chambre d’ado…). Toutes les marques de l’adolescence américaine sont mises en exergue, comme si une forme de caricature pouvait servir d’exorcisme aux angoisses de la puberté. La sociologue américaine, Catherine Discoll, parle dans son ouvrage, Teen film : a critical introduction, de « développement de l’identité sexuelle et de formation identitaire ».
« Un garçon qui danse tout seul en slip dans son salon, une fille qui rêve au grand amour » sont les premières phrases du documentaire d’Antoine Coursat et de Clélia Cohen, Teen spirit : Les Ados à Hollywood, réalisé en 2009. Elles sont importantes : les clés du teen movie sont ses personnages, c’est-à-dire la projection codifiée et systématisée de nos ados. Qui n’a pas ri aux éclats en voyant la scène du paradigme American Pie lorsque Jim tant bien que mal veut goûter d’une manière étrange à la tarte posée dans la cuisine ? Nous rions d’autant plus fort que le teen movie réussit une prouesse : permettre l’identification tout en incluant une distance de sécurité. Comment ? Par le rire (gras) mais aussi par ces personnages-types : le nerd, le sportif proche d’Adonis, la première de la classe, la nymphomane, qui sont tous pris dans un groupe et ont le besoin de dépasser le masque qu’ils se sont faits eux-mêmes. Paradoxalement, ces archétypes sont une barrière, une protection.

Le cinéma, bonne influence sur les ados ?

Légitime peut être la réticence des parents qui ont peur que le cinéma pour adolescents fasse plus régresser qu’avancer. Et pourtant, les plus éminents sociologues spécialisés dans l’influence du cinéma sur le jeune public sont formels : les dangers sont ailleurs. Divina Frau-Meigs rappelle dans son ouvrage Socialisation des jeunes et éducation aux médias, publié en 2011, que loin d’être négatifs, les teen movie, après avoir été potaches, deviennent plus réfléchis. Et c’est vrai qu’on note déjà un changement : Easy A montre les ravages des mensonges, Une Nuit à New York dévalorise l’alcool chez les jeunes, Acné qui sortira prochainement en France et primé lors de la quinzaine des réalisateurs, rappelle les dangers de la drogue. En clair, le teen movie, parce que très connu et reconnu, permet aux ados de garder une forme de distance, voire qu’ils ont du plaisir à décoder, à décortiquer les astuces de ces films. Le code, paradoxalement, protège. Et nos grands enfants sontplus intelligents que ce qu’on le pense. Et si votre ado rentre goguenard d’une séance entre amis, c’est qu’il a avancé un peu plus sur lui-même et sur l’auto-ironie. De quoi être armé pour les années à venir (ou pour le prochain American Pie qui sort sur nos écrans au printemps 2012). Alors n’ayez crainte…

Cinq films pour adolescents à voir ou à revoir :

  •  American Graffiti, George Lucas, 1973
  • Outsiders, Francis Coppola, 1983
  • Breakfast Club, John Hughes, 1985
  • American Pie, Paul et Chris Weitz, 1999
  • Be Bad !, Miguel Arteta, 2009

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