Pilules de 3e génération : risquées pour nos ados ?

Après la plainte de Marion Larat, une jeune femme handicapée à 60 % suite à son AVC survenu en 2006, qui accuse la pilule de 3e génération Méliane d’être responsable de son état, 30 autres cas devraient être portés devant la justice dès janvier 2013. Ces femmes ont toutes souffert de graves problèmes de santé : AVC, embolies pulmonaires, thromboses veineuses ou encore phlébites. Certaines ont gardé des séquelles (hémiplégie, épilepsie et aphasie) et l’une d’elles est même décédée. Alors faut-il avoir peur des pilules pour nos ados et pour nous-mêmes ? Le gynécologue et obstétricien Israël Nisand répond à nos questions…

Une jeune femme a porté plainte contre le laboratoire Bayer, estimant que leur pilule de 3e génération « Méliane » était responsable des séquelles de son AVC. D’autres jeunes femmes se mêlent à son combat. Ont-elles raisons de se défendre ?

Non. Il faut en revenir à la différence entre les pilules de 2ème et de 3ème génération pour comprendre le problème. C’est la nature de la progestérone. Dans les contraceptifs incriminés, le taux de ces hormones est plus important, ce qui a permis de baisser le taux d’œstrogènes. On passe, en effet, de 50 à 15 œstrogènes dans les pilules de 3e génération. Cela réduit les désagréments des pilules classiques. Cependant, on attribue à leurs progestatifs, un risque un peu plus élevé d’accidents cardiovasculaires, mais on n’en est pas sûr. La polémique actuelle et l’explosion médiatique sont basées sur de mauvais arguments. Il s’agit plus, selon moi, d’une bataille entre les différents laboratoires, sans vrai recul et sans données scientifiques réelles. En 1995, un énorme scandale en Angleterre sur les pilules de 3e génération avait provoqué leur interdiction. Sauf qu’on avait vu une augmentation monstre des grossesses non-désirées et du taux d’IVG. Qu’est-ce qui est le mieux ?

Mais comment expliquer ces nombreux cas de thromboses et d’AVC, parfois même chez des jeunes filles ?

Quand la pilule de 3e génération est sortie, beaucoup de médecins l’ont prescrit à des femmes à plus haut risque : tabac, antécédents, etc… Parce qu’elles ne supporteraient pas les pilules 2ème génération. Voilà pourquoi dans toutes les statistiques mondiales, on observe une incidence métabolique thrombotique chez les femmes prenant ces contraceptifs. En fait, c’est tout simplement parce que ce n’est pas les mêmes patientes. Précisons qu’en l’absence de pilule, le risque d’accidents thrombotiques est de 2 pour 10 000. Avec les pilules de 2e génération, il est de 3 pour 10 000 et avec celles de 3e génération de 4 pour 10 000. De plus, quand les femmes sont enceintes, le risque s’élève à 6 pour 10 000. La différence est tellement faible qu’il est difficile d’accuser telle ou telle pilule. Par ailleurs, avant l’apparition de la contraception, il y avait déjà des accidents de ce type et cela fait cinquante ans qu’ils sont en baisse. Je suis donc surpris de la polémique actuelle. Il est important de noter que la première plaignante souffrait de problèmes de coagulation, et qu’avec sa prédisposition génétique, le risque d’AVC était de 6 pour 10 000. Est-ce la pilule qui est responsable ?

Avait-elle le moyen de le savoir ?

Non, car il faut faire des analyses poussées. Beaucoup de femmes ont des antécédents familiaux sans en avoir connaissance. Cette anomalie génétique englobe, au total, 5 % de la population. Néanmoins, toutes les femmes atteintes ne seront pas forcément touchées par des AVC ou des thromboses, et vice versa.

Les médecins doivent-ils faire des examens particuliers avant de prescrire la pilule à une jeune fille ?

Il est important d’interroger la jeune femme sur ses antécédents familiaux de thromboses, de phlébites et de faire le point avec elle sur sont état général.

Quelle est la meilleure contraception pour les adolescentes ?

Cela dépend de la sexualité et du mode de vie des jeunes filles. Mais je ne pense pas que la pilule soit le meilleur contraceptif pour les adolescentes, notamment pour celles qui sont une semaine chez leur père et l’autre chez leur mère, cela augmente le risque d’oubli… Le dialogue avec le médecin est indispensable pour bien choisir avec l’adolescente la contraception à mettre en place : implant, pilule, etc…

Quels conseils donneriez-vous aux parents concernant la contraception de leurs enfants ?

Ils ne sont pas les mieux placés pour parler sexualité avec leurs enfants. Il y a toujours cette angoisse de décevoir leurs parents. Je dirais aux adultes de faire confiance au médecin de famille ou au gynécologue, qui saura conseiller l’adolescente, et la mettre l’aise, en lui précisant que leur entretien restera confidentiel, qu’il n’y aura pas d’informations transmises aux parents.

Les centres de planning familiaux sont-ils intéressants pour les jeunes filles ?

Oui, ils le sont mais malheureusement, ils sont très mal répartis sur le territoire : 4 femmes 5 résident à 100 km d’un centre de planification. Sans oublier que certains centres plannings familiaux sont fermés le mercredi…

Auriez-vous un autre conseil à donner ?

Oui, aux parents d’ado garçon. Quand on a des relations sexuelles, on est deux. On mise tout sur les jeunes filles. Il est très important – et on a du travail à faire en France pour çà – que les garçons soient aussi informés et qu’ils soient responsabilisés. Ils auront aussi une sexualité du coup plus épanouie.

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